Avec le recul (un jour – lol – tu parles d’un recul), je me dis que je dois être au fond un obstiné. Un bon gros tétu de la life. Un vrai âne bâté – tête en l’air – droit dans ces bottes. Un ravagé de l’obstination. Il n’y a que cela de possible. L’ami Charlie Chaplin explique que l’obstination est le chemin indéniable de la réussite. Il n’a pas tord. Au jour le jour, je prône aussi haut que possible la valeur « travail » comme fondement de la réussite. Mais, d’un point de vu très égo-centré, je ne peux expliquer ce que je fais au quotidien que par cela : L’obstination.

C’est un ami et ma copine qui m’ont ouvert les yeux là dessus. Je dis toujours que « Tout ce que je fais, n’importe qui peut le faire » (et vous aurez beau me contre-dire, me faire mettre au bûcher ou bien m’interdire de courir, je n’en démordrai pas.. Tout le monde peut faire ce que je fais !). Mais alors pourquoi si tout le monde peut le faire, pourquoi tout le monde ne le fait pas ? Cette question reste sans réponse moi. C’est incompréhensible. C’est naturel pour moi de faire ce que je fais. De courir comme je cours. D’en vouloir toujours plus. De repartir. De recommencer.

Mais alors, pourquoi retourner courir pour la troisième fois une course ? Pourquoi retenter ? Pourquoi recommencer ?.. Ok d’accord, « recommencer », ce n’est pas refaire… Mais au matin du départ de mon troisième EcoTrail 80, j’avais tout même la sensation étrange de tout remettre en jeu. De devoir à nouveau prouver, et me prouver à moi même que j’étais capable d’encore mieux. C’est idiot. C’est presque orgueilleux, mais les faits sont là. Si j’y retourne, c’est avant tout par plaisir, par envie et par désir. Mais aussi, dans un coin plus profond de ma tête, c’est dans l’espoir de faire mieux. D’aller plus vite. De mieux gérer ma course. De mieux passer ce long moment. C’est donc (pour la première fois) une sensation de stress absolu qui m’a envahi au matin de ce samedi 17 mars 2018, sur le chemin de mon EcoTrail.

 

09h00. Je pars de chez moi. J’ai rendez-vous à la Gare Montparnasse avec mon collègue. Je suis un peu en retard. Lui, il est en avance. Je pars en me disant que j’ai peut être oublié quelque chose. Je repasse dans ma tête les essentiels : Caleçon. Sur moi. Chaussettes. Aussi. Montre. C’est good. SpeedCross 4. Dans le sac. Short / T-shirt manche longue et débardeur. Rangés tous trois à côté de mon S-Lab ADV Skin 12l. Niveau matos obligatoire, j’ai fait très attention à tout vérifier au moins trois fois hier soir ! La peur de la pénalité ou de la disqualification a fait son taff. (Et dire que je me fichais de tout cela avant.. que je pensais que cela n’était pas grave si je n’avais pas mon gobelet d’au moins 20 cl… les choses changent). Petit buff. Casquette sur la tête. Normalement. Tout est bon. Mais je doute quand même. Qu’est ce qu’il m’arrive.

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09h03. Voilà 3 minutes que j’attends mon bus. Voilà surtout 3 minutes que je continue à stresser. Impossible de redescendre sur terre. De me concentrer sur autre chose. J’ai la sensation d’être envahi par des forces que je ne contrôle pas. C’est atroce. Si c’est ça à chaque fois maintenant, une chose est sûre je ne refais plus de course que j’ai déjà fait. C’est trop compliqué à gérer comme sensation.

09h21. Le métro de la ligne 6 me secoue dans tous les sens. Le frottement des roues contre le rail a beau provoquer des rencontres fréquentes de ma tête avec une barre métallisée, les secousses ne sont pas assez fortes pour faire fuir le stress présent en moi. Je suinte le stress. J’en dégouline. Mes mains cherchent des recoins pour se réfugier. Mes jambes se croisent. S’entrecroisent. Et se re-croisent. Respire. Prend le temps. Tu sais faire cela normalement. Tu sais. Ta petite respiration lente par les narines. Je tente le coup. Inspiration lente. Haussement des épaules. Expiration lente. Cela ne vient pas. Je suis même en train de m’imaginer énervé contre moi même à me forcer à pratiquer ce genre d’exercice. Je stop tout. Cela ne passera pas. Il vaut mieux vivre avec.

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09h42. Je retrouve mon collègue. Cela va tout de suite un peu mieux. Pouvoir parler. Partager. S’exprimer. Cela me fait du bien. J’oublie les raisons de mon stress. Je rigole avec lui. On parle de tout et surtout de rien. Les favoris. Les informations que l’on a sur l’état du parcours. Bref.. Des mecs qui parlent Trail quoi.

09h55. C’est ambiance troupeau de trailers dans la gare. Cela me faire rire à chaque fois. Tout le monde fringués en tenue de la tête au pied. Déjà prêts au départ. Mais au milieu d’une gare parisienne.. où des gens un peu étonnés passent pour prendre leur train du samedi matin. J’aime vraiment ces moments.

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Voilà 10 minutes que l’on attend pour rien au pied d’un panneau. De plus en plus de coureurs se sont rassemblés. Par là on entend « Apparement, il y a du retard » – « Il y a eu un suicide sur la voie » – « Les organisateurs doivent être au courant.. ils ne feront pas partir la course alors qu’il manque pleins de gens » – « Il pouvait pas faire ça avec des médicaments ou s’acheter un fusil comme tout le monde »… Oui.. en moins de 30 secondes, j’ai bien entendu ces phrases. Le monde va mal. Plutôt que de continuer à rester là bêtement à attendre une information qui ne viendra pas toute seule, je décide d’avancer en direction des voies. Je suis déjà stressé naturellement ce matin. Je n’ai pas besoin d’avoir des gens stressés à côté de moi.

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Quelque chose a du être annoncé sur l’écran, car juste après que je prenne avec mon collègue l’escalator qui mène aux trains, je me retourne, et PAF.. la foule fonce dans notre direction. Ambiance.. attaque de zombies trailers fluos et buff sur les cheveux ! Je dois dénoter un peu avec mon jogging gris H&M bien confortable et mon sweat à capuche. Au moins, je suis encore dans mon cocon.

Nous montons dans le train. Depuis ce matin, j’échange par SMS avec Fabien. Une personne que j’ai rencontré sur Instagram il y a maintenant plusieurs mois (années peut être.. faudra que je lui demande). C’est un des mecs qui me fait le plus rire, alors que je ne l’ai jamais rencontré. C’est d’ailleurs notre première rencontre aujourd’hui. Son humour fait tilt en moi à chaque fois. Pour la petite histoire, il bosse dans une entreprise assez connue qui fait des rillettes. Et son patron, plutôt très cool à priori, a fait faire des t-shirts sponsorisés aux couleurs de l’entreprise. Voilà donc le premier trailer français courant aux couleurs d’une marque de rillettes. Je trouve ça tout simplement génial ! Bref.. J’ai récupéré son dossard le jour précédent. Je dois lui donner avant la course. Je lui indique donc par SMS : « Je suis dans le RER ». Il me répond « Pareil. Tu peux pas me louper, je suis habillé en coureur ». Voilà ! Voilà très exactement le genre d’humour dont je suis fan ! Merci Fabien. Tu m’as fait rire. Et ce matin. Dans CE RER. A CE moment. Il fallait que je rigole pour me détendre. Ne serait-ce que deux secondes. Et bien tu as réussi ton coup. Sans le vouloir. Sans le savoir. Mais merci.

10:26. Le train avance. Ce qui est fantastique pour un train. N’est-ce pas.. (Oui.. je brode un peu). Plus le train avance plus je me rends compte de deux choses :

Premièrement. J’ai bien fait de prendre un t-shirt manche longue et ma Salomon Bonnati.. non Bonnatti.. non.. 1 n.. 2 tt.. Bonatti (je sais jamais bordel.. et j’en ai marre de taper les premières lettres dans Google pour vérifier), car sur les carreaux du train ruissellent les gouttes épaisses d’une pluie que l’on ne pourra éviter.

Deuxièmement : J’ai trop bu de flotte. J’ai envie de pisser. C’est terrible. Cela recommence. Comme l’an dernier. Je me plis en deux. Je prie pour que le train soit un direct. Il freine. Putin. Combien d’arrêt à tenir ? 3. Ca va le faire. Ma concentration pour empêcher ma vessie d’exploser me fait oublier mon stress matinal. Vaincre le mal par le mal. Et si cela marchait.

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10:43. Saint Quentin en Yvelines -> Libéréééééééé. Délivréééééé. Je ne pisserai plus jamaiiiiiiiiiis !

10:44. Nous sortons de la gare. Impossible de se tromper. Il suffit de se laisser emporter par la foule.. qui nous traine.. nous entraine.. Je n’irai pas jusqu’au refrain, vous avez compris l’idée.

 

10:48. Et hop. Dans le car. Bien installé. Au chaud. Mon collègue me tend un petit paquet de saucisson. J’examine le packaging avant de prendre la décision de taper dedans. Il me semble très rouge pour un paquet de saucissons. Je le retourne. Il y a marqué « épicé » en caractère 160 sur le recto. En temps normal.. ni une ni deux.. j’aurai foncé dessus. Mais là, clairement, 1h30 avant de se lancer sur 80 km.. alors que cela fait une semaine que tu manges des pates et du riz.. Et ce que tu fais l’erreur ?… J’aurais adoré, pouvoir répondre : « Ben.. bien sur que oui.. Tu tapes dedans.. C’est pas un chorizo qui va t’empêcher de courir ». Mais mon sérieux a pris le dessus. Je refuse poliment. Mon collègue se fout de moi. Il a raison. Je me venge donc, sur mon paquet de saucissons. J’avale les 10 bâtonnets.

Pendant ce temps, je jette un petit coup d’oeil derrière moi. Je suis de plus en plus détendu. Revoir du monde. Parler avec des gens. Tout cela m’a fait oublier le stress qui me ronge. Je parais maintenant même plus détendu que les autres. Plus le moment approche, plus je me détends. A l’inverse des trailers autour de moi. Alors que certaines mines semblaient plutôt égayées dans la gare. Là.. Cela ne rigole plus du tout. Je vous laisse contempler le taux de zenitude dans les visages sur la photo ci-dessous. C’est flagrant !

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11:03. Base de loisirs de Saint Quentin en Yvelines. Aaaaaaaaaaaaaaaah. Cela m’avait manqué. 3… 2… 1… Chacuuuuuuuuun prend son arbre…

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C’est fascinant. Rien que pour cela, j’ai envie de revenir en 2019. Et limite, j’ai envie de mettre des pancartes humoristique sur les arbres.. Je vous laisse m’aider pour les textes, mais dans l’idée ça serait « Pourquoi moi ? » / « C’est pas la taille qui compte ! » / « Vous êtes filmés » / « Pisser nuit gravement à l’écorce »…

Passer cette scène bucolique, nous nous dirigeons vers l’espace de départ. Je veux me poser rapidement pour me changer, et grignoter un petit morceau. Je croise quelques connaissances. C’est toujours sympa avant la course. Cela permet de discuter un peu. De se taquiner. D’échapper ensemble à la pression qu’apporte le départ proche.

11:10. Je me change. Je suis très organisé par rapport à avant. Cela me prend à peine 2 minutes. Je n’hésite pas. C’est presque automatique. J’arrive même à parler en même temps. Cela m’était complètement impossible les années précédentes. J’avais besoin de silence et de concentration même pour enfiler des chaussettes. C’est vous dire.

Me voilà fasse à la fameuse épreuve des quatre épingles. Si un jour, il y a un Koh Lanta du Trail, clairement l’épreuve des poteaux sera replacée par l’épreuve des quatre épingles. L’objectif est simple : Placer un dossard. Sur une partie visible, à l’avant de son corps. Les bonnes moeurs veulent, que celui-ci soit placé de manière horizontale. Afin de ne pas passer pour un « J’en foutre » sur les photos que l’on montrera à sa famille en disant « Bah là.. c’est avant la course ».

Je pose le dossard main droite sur mon short. Première épingle. Je le tire légèrement sans le tendre complètement. Deuxième épingle. Je le laisse tomber délicatement sur le bas de mon short. Je remonte de deux cm le tissu. Troisième épingle. Je secoue ma jambe. Laisse à nouveau retomber le dossard qui ne bouge presque plus. Et je lui applique la quatrième épingle. Un dressage parfait. Si pour les chefs, cela ne passe pas au niveau du goût.. du croquant.. au moins au niveau du dressage j’aurai les points. (Pour ceux qui n’ont pas la ref’ -> Top Chef). Je fais un aller retour rapide dans le champ en forçant sur la foulée. Le dossard ne gène pas. C’est parfait.

Je finis de m’habiller. J’avale un powerade (d’où la langue bleu un peu plus bas) et je grignote quelques pistaches. C’est devenu une tradition depuis le Grand Raid. Un paquet de pistaches avant le départ. Cela fait selon moi un super apport en calories, et cela apporte aussi ce qu’il faut en sel. (Bon.. et ceux qui me connaissent savent que J’ADORE ça).

Je n’ai pas fait attention à mon style vestimentaire (pour changer). Cela sera tendance clair cette année. La boue ne sera que plus voyante.

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(Note pour moi même : Le banc ça tâche !) 

11:37. Je file en direction du SAS de départ. J’allume ma montre. Le GPS se lance directement c’est parfait. J’ai désactivé la fréquence cardiaque. Elle devrait tenir tout le long sans problème. Je décide de faire comme à la SaintéLyon : C’est à dire de ne pas regarder ma montre de toute la course. J’ai à peu près en tête les différentes distances qui séparent chaque ravitaillement, et je ne veux pas avoir à me dire : 4:05 min/km. Tu vas trop vite. 6:30. Tu t’es arrêté trop longtemps. Je veux vivre ma course entièrement. Sans édulcorants. Sans indicateur. Uniquement moi face à mon corps, à mes sensations. Je ne la joue pas Anton Krupicka (Oui.. J’ai googliser son nom pour vérifier l’orthographe), en mode minimaliste et proche de la nature.. Mais je trouve réellement du bon dans le fait de ne pas regarder sa montre en course. De là, à ne pas la prendre.. Cela n’arrivera pas.

Pas de montre = Pas de vitesse. Mais aussi et surtout pas de kilométrage. Cela sera donc encore plus compliqué pour faire un récit de ma course. On verra bien quand il faudra l’écrire me dis-je. C’est étrange d’écrire cela maintenant. Je ne vous le cache pas. En tapant ces quelques mots, et en sachant que je vais galèrer dans les heures qui viennent à recoller les bons souvenirs aux bons moments, je me demande pourquoi je n’ai pas regardé ma montre au moins pour avoir des repères dans ma narration. Bref.. Un exercice de mémoire de plus ! Youpi !

11:50. 25 minutes avant le départ. La sensation de « Qu’est ce que je fous là.. » « Dans quoi je me lance.. » n’est pas présente. Je me sens parfaitement à ma place. Parfaitement au bon moment. Je ne crains rien. Je vais courir 80 km.. et alors ? C’est agréable de sentir qu’on est parfaitement à sa place. Le stress qui m’a torturé toute la matinée à complètement disparu. Je discute avec quelques coureurs. Un temps, c’est un mec croisé à la Réunion. Après c’est un supporter de l’UTMM qui vient me parler. Après, je prends un petit selfie avec un inconnu qui me suit sur Strava. C’est sympa. Je prête beaucoup d’attention à prendre le temps de partager en vrai avec les personnes avec qui je partage sur les réseaux sociaux. C’est vraiment cool je trouve. Certains diront peut être que c’est n’importe quoi cette « fan-zone ». Moi je trouve que c’est un super moyen de rencontrer des gens que je n’aurais jamais rencontré autrement. Je ne prends pas les gens de haut. Chacun va affronter aujourd’hui les mêmes difficultés. Même si cela sera à des vitesses différentes, nous allons tous partager une expérience unique mais commune. J’apprécie beaucoup cela.

11:59. Une espèce de zone de respect s’est créé autour de la ligne de départ. Une zone invisible. D’un à deux mètres tout autour de la ligne de départ. Comme si les gens laissaient la place pour les champions. C’est assez drôle. Il y a de l’espace. Je le prends. Me voilà donc. Au milieu. Sur la ligne de départ. Comme les champions. Je reconnais quelques visages connus. Vincent Viet sur le côté. J’ai mis une grosse pièce sur sa victoire aujourd’hui. Sur la gauche, Manu Gault et Yoann Stuck. Mes idoles. C’est très drôle. J’ai l’impression d’être infiltré dans ce monde de géants. Ils ne me connaissent pas le moins du monde, mais moi je connais beaucoup d’eux. Ils m’inspirent. Je les respecte.

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Crédit Photo : Mickael Lefevre pour WonderTrail

J’adore ce moment. Les coureurs se serrent la main les uns des autres. Je passe un peu de temps à discuter avec Christophe Le Boulanger et Luca Papi. On échange quelques banalités sur l’état de forme, les courses à venir, le style vestimentaire, l’équipent du jour. C’est vraiment très cool. Si seulement ce moment pouvait durer encore un peu plus longtemps.

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Crédit Photo : Mickael Lefevre pour WonderTrail

Juste avant le départ, un mec avec qui j’ai couru à l’entrainement avant la Saintélyon débarque derrière moi. Surprise. Il s’est teint en blond. On se croirait dans Fight Club. J’ai l’impression d’être Tyler Durden. Je me marre en voyant ces cheveux, mais ce n’est pas le plus drôle. Il est en débardeur. En mode cross. Il m’explique avoir oublié ces affaires. Le boulet ! Cela me fait rire jusqu’au départ.

Je sens que cela va partir à fond. Je n’ai pas envie de me faire mal. Je me promets de partir à mon rythme. De ne pas forcer. De ne pas forcément chercher à suivre la tête de course. Ces mecs sont des champions. Pas moi. Le rythme 16 km/h autour du lac, je leur laisse. Moi, je vais courir comme à l’entrainement. A la sensation. Au feeling. Sans pression. Juste avec l’envie. Juste pour le plaisir.

 

 

DEPART : BASE DE LOISIRS DE SAINT QUENTIN (Km 0) 

Temps : 00h00min00sec

Classement : 0ème (ahah)

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Crédit Photo : Mickael Lefevre pour WonderTrail

12h15 – Km 0. Le départ se passe bien. Je ne suis pas trop bousculé. Les coureurs qui me gênent devant moi sont rapidement doublés. Je suis déjà dans mon rythme après à peine 50 mètres. Sans trop forcer, je suis 5 mètres derrière la tête de course. Elle est facile à repérer. Le Buff de Manu Gault et la Casquette de Yoann Stuck. Y a pire comme repère. J’avance tranquillement. Je fais attention à ne pas me faire une cheville sur le fameux champ de patates qui nous amène au départ réel.

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Premier passage humide. Je fais un peu plus attention à mes trajectoires. Splash.. Splaaaaasch.. Splaaaaaaaach… Trop tard. Mes pieds sont trempés. 600 mètres à sec. Reste plus que 79.700 mètres à faire. Tranquille. Les pieds trempés. On va kiffer !

C’est tout de même un peu lunaire pour moi de partir avec les meilleurs. De tenir le rythme sans forcer. La casquette de Yoann en ligne de mire. Cela a beau être lunaire, je me sens tout à fait à ma place. Je ne déroule pas plus que d’habitude. Je n’ai pas l’impression de trop faire monter le cardio. Cela tourne facilement. Je laisse le groupe de tête prendre un peu d’avance. Je range tranquillement, en continuant ma course, ma veste dans mon sac. Il a beau bruiné. Je vais avoir rapidement chaud avec celle-ci. Je la remettrai peut-être plus tard en fonction des conditions. Pour le moment, mon t-shirt manche longue et mon débardeur me suffissent amplement.

Je me retrouve rapidement seul. Enfin presque seul. Un ou deux coureurs derrière. Et le groupe de tête 40 mètres devant. J’avance tranquillement sur le bord du lac. J’ai la même pensée que l’an passé vis à vis des endroits qui me paraissent poissonneux.

Je le sais. Les premiers km ne sont pas mes préférés. Il faut faire monter la machine en chaleur. La mettre dans le rythme. Ca pique un peu, mais c’est un mal pour un bien. Généralement, à l’entrainement, je suis à l’aise à partir de 6 ou 7 km quand je pars faire du court; et au bout de 12 – 13 km quand je pars faire du long. Le pire, ce sont les trois premiers. Le temps de faire remonter les bulles d’air, les petites douleurs musculaires et de mettre les tendons sous tension. Cela ne se passe pas trop mal cette fois. J’apprécie.

Km 3. Je m’autorise une petite pause pipi. Je n’ai pas prévu de suivre la tête de course. Cela ne me dérange pas de me dire que je ne les verrai plus. Je repars. Je renfile ma veste. A peine 5 ou 6 coureurs m’ont doublé. C’est étonnant. Nous avons du partir relativement rapidement. Je suis détendu.

Un mec qui me double me demande « Hey.. T’étais pas sur l’Urbain Trail ? » – Moi « Oui » – Lui « C’est moi qui me suit planté au départ et que vous avez suivi. ». Lol. C’est drôle. Comme on se retrouve. Je suis en train de monter ma foulée en puissance, j’ai un peu du mal à réfléchir pour dire une phrase drôle, sympa ou construite.. c’est donc un « Ah.. c’est toi.. pas cool » qui sort. (Si tu lis ces lignes.. vraiment désolé.. C’est pas ce que j’ai voulu dire). Voulant me rattraper, je lui lance alors qu’il s’éloigne devant « Ah. Bah dans ce cas, je te suis pas aujourd’hui.. ». Je ne sais plus s’il a entendu. Mais bref. Je trouve cela amusant. On retrouve toujours les mêmes personnes en fait. C’est sympa.

Km 7. Je n’ai pas le temps de regarder le golf aujourd’hui. Les autres fois, j’avais passé tout le km à regarder le terrain.. à m’imaginer taper la balle.. à regarder les pratiquants. Cette fois-ci rien de tout cela. Je suis concentré sur ma foulée. Un pas devant l’autre. Naturellement. Des groupes de deux coureurs se forment. J’ai du mal à trouver un coureur qui avance dans mon rythme. Lorsque c’est le cas, j’avance un peu avec. Et soit il me largue, soit je le largue. C’est pas idéal. Je fais abstraction et me dis que c’est parti pour une longue balade en solo sans trop pouvoir parler.

Ma montre a déjà bipé 7 fois. Je ne m’en suis pas rendu compte. Elle est planqué sous mon T-shirt manche longue. Je ne la vois pas. Je ne suis pas tenté par le fait de la voir. Cela servirait à quoi ? 4:07. Tu vas trop vite. 4:30. Tu vas trop lentement. Et puis quoi encore. J’y vais au feeling. C’est agréable.

Nous repassons au niveau du lac. C’est légèrement inondé. Le passage est plutôt étroit si on souhaite éviter la gadoue et l’eau. Je suis encore relativement propre et sec. Je ne me tente pas à faire un tout droit dedans. J’évite soigneusement la zone et je passe sur la bordure… Pleine de ronces. Un bonheur pour les jambes nues. Je repère Mickael et son appareil photo au loin. Je ne peux m’empêcher de faire le mongole. Je ne sais pas pourquoi. J’ai l’impression que ça fait parti de moi… Bon. Ok. C’est sûr. Cela fait parti de moi !

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Crédit Photo : Mickael Lefevre pour WonderTrail

Fin du lac. Virage à gauche et petite montée en direction du Vélodrome. Il est loin le temps ou je m’étais arrêté dans cette montée pour marcher. Je ne vois même plus qu’il s’agit d’une montée. J’avance. Le petit dénivelé n’en est plus un. La fanfare de TamTam (je suis pas un expert en instruments musicaux.. désolé) a changé de place. Ils sont maintenant au milieu à droite de cette petite difficulté. Auparavant ils étaient en haut. C’est plus logique. Les gens passent plus de temps à cet endroit. J’ai envie de faire une petite danse, mais je n’en prends pas le temps. C’est comme si j’étais pressé. Mais pressé de qui ? de quoi ? Suis-je attendu quelque part ? Suis-je en retard ? Je ne pense pas. J’aurai du prendre le temps d’une petite danse. Mais le désir de courir était plus grand.

Passage sous le pont. Remonté et traversé de l’autoroute. Officiellement, un des deux pires endroits de la course avec le passage devant chez Microsoft sur les quais. Je ne suis souvent pas d’accord avec Les Genoux dans le Gif sur leurs attaques un peu faciles de l’EcoTrail de Paris. C’est souvent très drôles. Mais quand cela fait 2 ans que ce sont les mêmes blagues qui tournent, le large sourire qui s’affichait jadis laisse place à un regard accusateur de manque de créativité. Loin de moi l’idée de descendre en flag le contenu des GDLF, mais « on a compris »… Même si le running gag (sans jeu de mots) est appréciable. Cela devient presque lourd, ou du moins, cela me donne moins envie de prendre un peu de temps chaque jour pour regarder les posts. Bref.. c’était mon petit coup de gueule inutile, mais j’avais envie de le dire. (Au passage, leur poste sur les conditions de course de cette année m’a fait beaucoup rire.. comme quoi ^^).

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Screenshot : Facebook – Les Genoux dans le Gif

Petites marches d’escaliers. Personne devant. Personne derrière. Je suis déjà bien seul. Dommage, on attaque le pont qui bouge. Tout seul je ne vais pas m’amuser. Pour ceux qui l’ont déjà traversé à plusieurs, ils pourront vous en parler. Mais en gros, si tu passes à plus de 3 en courant, la cadence de la foulée va faire osciller le pont. Et plus tu passes en troupeau, plus le pont oscille jusqu’à presque donner une sensation de trampoline. Là en solo, cela fonctionne moins bien. Voir pas du tout. Je tente de faire des petits bons appuyés dans ma foulée. On se distrait comme on peut hein.

Km 10. Station RER de Saint Quentin. Je connais par coeur le chemin. Heureusement, car niveau balisage, c’est un peu éparse à cet endroit du parcours. Le coureur 15 mètres devant moi commence à partir en direction de la gare. Comme s’il allait prendre le RER tranquillou. Je siffle avec les doigts et lui fait signe. Il me rejoint. Je tente une petite blague : « Alors.. Tu voulais prendre le RER pour aller plus vite ». Il ne souris pas trop. Je ne sais pas s’il est français. Nous continuons. Sans prononcer un mot.

Traversée de la zone résidentielle. Je m’amuse à bien prendre les petites pentes pour les poussettes et les vélos dans les escaliers. Comme si éviter 2 marches allait changer fondamentalement ma foulée ou l’usage de mes genoux. Je n’en loupe aucune.

Du Km 11 au Km 15, nous longeons des petites mares et des petits lacs. Les quelques sentiers que nous prenons annoncent un peu la couleur du reste de la course. Cela va être sacrément boueux. Je poste ci-dessous quelques photos pour illustrer ce que j’entends par sacrément boueux. Je me suis longtemps demandé comment j’allais pouvoir décrire le bourbier dans lequel nous avons couru. Mais je pense que je vais attendre un peu plus loin dans le récit (Km 24) pour m’atteler à la description.

Etat parcours 1

Etat Parcours 2

Etat parcours 3

Sorry pour les crédits photo

J’ai recup’ sur Insta’. Je retrouve les auteurs sous peu ^^

En longeant le deuxième lac, il y a un panneau. Chaque année il me fait rire. Et chaque année j’oublie d’en parler. Pas cette année. Le panneau dit tout simplement « Baignade interdite ». Et à son passage, chaque année depuis 3 ans, une petite voix dans ma tête lui répond « Sans déconner ! Quel dommage.. j’avais justement envie de me faire une petite trempette avant d’attaquer les 65 prochains km ». La prose mentale est limitée quand on court. La réponse au panneau. Identique chaque année, en est la parfaite illustration.

Nous quittons les lacs. Une femme qui court en sens inverse, lance au coureur devant moi et à moi-même : « Vous êtes dans les 35 premiers ». C’est étrange. J’aurai très bien pu le savoir étant donné que peu de coureurs m’ont doublé, et que j’ai seulement vu le groupe de tête partir devant au départ. Pourtant je n’avais pas réalisé mon classement avant qu’elle ne me le dise. Je prends conscience que c’est énorme pour moi. Au départ de la course, j’avais annoncé vouloir approché des 7h30 et du Top 50. Pour l’instant. Si on arrête la course maintenant c’est bon. Mais bon. Arrêter un 80 kilomètres après 16 bornes, cela ne serait pas très logique. J’oublie cette pensée et je prends mes responsabilités. Je continue à courir à mon rythme. L’annonce m’a tout de même motivé. Je m’en rends compte car je rattrape un ou deux coureurs sur le km qui vient. Merci madame !

Km 17. Grosse envie de vomir. J’ai la nausée. J’ai avalé un gel il y a deux km. C’est peut être cela. Est-ce que cela va me faire cela après chaque gel ? Est-ce que je vais vomir maintenant ? C’est pas clair dans mon corps. Je ralentie un peu pour faire un check-up total de ma condition physique et surtout intestinal. Je m’imagine déjà devant m’arrêter. Vomissant au bord du sentier. Avec les autres coureurs qui passent. Et tentant de repartir. Re-vomissant. Bref. Le bonheur.

Le doute me cerne. Je n’abdique pas. Je continue gentiment mon chemin. Je tente de penser à autre chose. Pas à de la bouffe. Pas à ma chérie, je garde cela pour plus tard. Pas  à la bière qui m’attend à l’arrivée.. je pense à quelque chose de fondamentalement pas fondamental.. Est-ce que j’ai pris mes clés ce matin en partant ? Je n’ai jamais passé autant de temps à me demander si j’avais oublié mes clés. J’ai refait toutes les secondes précédant le départ de chez moi dans ma tête. Je me vois les prendre dans mon vide-poche. Mais après. Les ai-je mise dans la poche de mon sac ? J’ai ouvert le frigo pour choper une bouteille d’eau. Je les aurais quand même pas posé dans le frigo ?.. Je reste la dessus au moins 10 minutes. La nausée est partie. Fantastique.

 

Km 18.5. Nous traversons une autoroute (bon.. sur la carte c’est une grosse départementale… mais on va dire que c’est une autoroute). La petite bruine qui tombait depuis 1h s’est petit à petit transformée en immenses flocons de neige. Dans les bois, je ne m’en étais pas rendu compte. Mais là, sans arbres pour se protéger, c’est clairement la tempête de neige. L’espace est dégagé pour traverser la route. Le vent souffle fort à cet endroit. Les flocons sont très humides. Ils vous agressent le visage et vous mouillent rapidement. Je remets ma veste. Je suis trempé dedans. Peu importe. Je n’enfile pas mes gants. Je n’ai pas la sensation de froid aux doigts. Je suis d’habitude si frileux sur cette partie de mon corps. Aujourd’hui, c’est comme si j’avais une protection. C’est étrange.

Qui dit pluie depuis 1h30.. Qui dit neige depuis 30 min.. dit GADOUUUUUUUE. Je pense que c’est vraiment à partir de ce point de la course que c’est devenu le début d’un périple boueux qui ne prendra fin qu’à la grille du parc de Saint Cloud pour rejoindre les quais de Seine. J’espère que vous aimez les appuis fuyants, les pas qui se pensaient assurés mais qui le ne sont pas, les sensations de partir d’un côté, les virages qu’il faut retenir pour ne pas partir, les pieds trempés, l’impression de soulever 1 kg à chaque fois qu’il faut renvoyer.. car vous allez être servi. Vous reprendrez bien un peu de mousse à la boue pour le désert ? C’est sur place.. et à emporter ! (On en reparle un peu plus loin).

J’approche du ravitaillement. Malgré mes petites nausées, j’ai réussi à m’alimenter en gel sans trop forcer. Pas contre, niveau boisson, je n’ai pas fait très attention. A peine quelques gorgées. Je ne veux pas revivre les crampes de l’an dernier. Je me force à boire. Mes deux flasques sont presque pleines. 200 ml, sur 22 km. Ce n’est peut être pas assez pour un jour de course. En même temps, je m’y suis habitué. Je pars généralement sans eau à l’entrainement. Je suis habitué à faire 20 – 25 km sans boire. Cela ne me dérange même plus. Je n’ai plus la sensation de soif. Pourtant je le sais. C’est important. Je ferai plus attention sur le prochain segment.

Virage sur la droite. La vue est dégagée. Je me repère. Nous arrivons à BUC. J’accélère un peu. Cette petite accélération pour arriver dans l’école me permet de doubler trois coureurs. Dans ma tête, je ne pense pas à accélérer pour doubler. C’est juste qu’étant donné que je vais m’arrêter 30 secondes au minimum, j’ai bien la possibilité de monter un peu dans les tours avant.

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(Crédit Photo – Nicolas DUPREY – Flickr.com)

Virage serré à gauche. Descente en direction de l’école. Quelques supporters. Je les applaudis comme à mon habitude. Virage à 180°. Remontée vers la cour de recrée. Biiim. Ravito.

 

 

RAVITO 1 : BUC – ECOLE PRE SAINT JEAN (Km 22.7) 

Temps : 01h37min12sec

Classement : 30ème

J’arrive dans la cour de récréation comme un enfant qui sort de 3 h de géométrie. A fond. Sans trop réfléchir. Seulement deux coureurs dans le ravitaillement. Je chope rapidement la flasque dans laquelle j’ai un peu bu. Je la tends en direction de la bénévole. Elle me la remplit. Elle en met un peu à côté. C’est à dire sur mes mains. Je suis déjà totalement trempé de toute manière. Cela ne changera pas grand chose. J’ai le souvenir de faire une petite blagounette. Je pique deux petites pâtes de fruit et je repars. A fond.

Un groupe de supporters est posté sous le petit préau de cette école. Ils applaudissent chaudement le redémarrage. C’est super cool. Je les applaudis en retour. Et c’est reparti. Moins de 30 secondes pour mon arrêt au stand. Qui a dit qu’on a besoin d’une assistance personnalisée ?

Comme à mon habitude, j’oublie de jeter mes déchets. C’est pas grave. Ils feront 23 km de plus avec moi. Je grignote tranquillement mes pâtes de fruit en longeant le petit ruisseau. Je ne cours pas à fond. J’ai en ligne de mire un escalier qui mène à une sorte de petit barrage. Je reprendrai mon rythme après celui-ci. Physiquement cela va au top. Je n’ai pas du tout mal aux jambes. Aucune sensation de fatigue accumulée. Le dos est ok, la nuque aussi. Je suis relativement détendu.

J’attaque maintenant le segment le plus piégeant selon moi. 23 km et quelques petites montées qui doivent piquer. Pour le moment, j’ai couru presque toutes les montées en entier. Je m’autorise à partir de maintenant à les monter en marche rapide. J’estime avoir plutôt pas trop mal fait mon taff sur le premier quart de la course. Je ne vais pas me forcer maintenant. L’arrivée est encore loin. Je ne veux pas me cramer.

Sur les 3 km après la ravitaillement, je double quelque coureurs. Je ne me force pas plus que cela pourtant. Je remarque que je prends du temps sur les autres coureurs sur deux parties principalement. Sur le plat et sur les fins de montées/relances post-grimpette. En descente, comme à chaque fois, c’est un peu l’inverse. Je sens que cela revient vite dans mon dos. J’ai encore du boulot dans cette particularité.

Km 24. Il est temps de vous parler un peu du terrain. Du champs de boue. De toute cette gadoue. Déjà, première chose, c’est la première fois de ma petite vie de coureur que je rencontre un terrain aussi boueux. J’ai le souvenir de l’orage sur la CCC l’été dernier. J’avais alors rencontré des segments d’un ou deux kilomètres (maximum) très boueux. Où l’on est plus proche du patinage artistique que de la course. Mais là.. C’est pas 1 ou 2 km. C’est juste 60 km comme cela. Bon ok. Peut être plutôt 50. Mais 50 quoi !

J’ai identifié plusieurs types de terrain boueux différents sur la course :

Les passages moissonnés, où il ne reste presque plus de trajectoires accessibles. Pas loin de 70 % du temps. Imaginez un sentier d’1m à 2m50 de large. La terre a été retournée par le passage des coureurs précédents. Les appuis sont fuyants. C’est assez compliqué à courir. On peut très souvent envoyer, mais c’est risqué. Si on anticipe mal la densité du sol à l’endroit où l’on pose le pied, cela peut ne pas fonctionner. Au mieux, le pied s’enfonce de quelques centimètres et on se rattrape en allongeant la foulée. En bondissant presque. Au pire, le pied glisse totalement sur le côté, et là, ce sont les hanches qui prennent. Tu te retrouves complètement désaxé. Ton inertie n’est plus rectiligne. Il faut alors se cambrer pour pouvoir relancer droit. Sur 100 m, cela ne pose pas de problème. Mais sur des dizaines de kilomètres, c’est clairement usant pour le corps.

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Screen Vidéo : Angélique Cadoret

Les passages boue épaisse. Ce sont les passages que j’ai préférés niveau gadoue. Généralement, ce sont des segments en descente. Le passage des coureurs à emporter la boue dans le dénivelé. Des monticules de 15 à 20 cm se sont formés. Je m’éclate totalement dedans. J’ai le souvenir d’une belle descente. Droit dans la pente. Uniquement recouverte de boue sur 20/25 cm. On repère des trous formés par le passage de grandes foulées. Je saute dedans. J’envoie à fond. J’estime que la boue va me freiner. Que je n’ai pas besoin de compenser. Ma seule et unique crainte est qu’une pierre se cache dans tout cela. Chance pour moi, il n’y en a pas. Ma foulée est bondissante dans ce genre de passage. J’attaque plein talon. Comme on saute dans la poudreuse. L’épaisseur de terre amortie ma descente. C’est très agréable comme sensation.

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Screenshot : Vidéo Facebook – Trails Endurance Mag. 

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Screenshot : Instagram – Trails Endurance Mag. 

Les passages diarrhée. A partir du km 40 je dirai, étant donné que les coureurs du 50 bornes (ou 45 bornes, je ne sais plus) sont passés avant. Et ils ont fait du dégât. Ce sont principalement les espaces de prairie (ou du moins de pelouse) qui sont comme cela. Plus aucune trace de gazon. Uniquement, une boue très liquide qui recouvre sur 4 cm le sol. Avec des crampons cela passe tout seul. Par contre, en chaussure lisse ça doit être l’enfer. Je n’envie pas du tout ceux qui ont fait le choix de partir en running. Ils vont bien galèrer comme il faut.

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Et enfin, 5 à 10 % du parcours selon moi : Les passages.. sans terre visible.. sans monticules de boue sur lesquels sautiller.. que de la flotte. Sur les 25 derniers km du parcours avant le ravitaillement du Parc de Saint Cloud, c’était un peu monnaie courante. Impossible de trouver une trajectoire rapide à sec. Le sentier est totalement recouvert de flotte marronasse. Ces mares cachent de la boue. Mais impossible d’imaginer les meilleurs endroits où placer les appuis. On devient à force expert en décryptage de la couleur de l’eau. Si l’eau est foncée, liquide et parait plutôt plane, cela veut dire qu’elle est relativement profonde. Lorsque l’eau est plutôt claire, voir argileuse, c’est qu’il y a un sol plutôt stable en dessous. Par contre, lorsque l’on voit presque l’eau ruisseler entre deux monticules de terre, tu peux être sûr que c’est de la mélasse en dessous. Au début de la course, je faisais bien attention à éviter les grosses flaques. Il m’est arrivé de passer par des petits monotraces zigzagant dans les arbres sur le bord du chemin. Mais clairement, au bout d’un moment. OSEF (On S’En Fout). On passe droit dedans. Vaille que vaille. De toute façon, on pourra pas être plus trempé.

Dans la boue, je ne m’énerve pas. Je profite à fond. J’ai bien fait de m’habiller en blanc et gris. Ca va à peine se voir… Quelques semaines en arrière, je me suis tellement éclaté dans la neige et à la fonte dans le bois de Vincennes que je ne peux rien dire. En avançant, je m’interdis d’être grognon contre le terrain. J’imagine que ma copine me voit en train de courir dedans. Je suis sûr qu’elle m’enverrai un petit GIF d’un Golden Retriever se roulant dedans, avec un petit commentaire du style : « Toi quand il a bien plu et que tu pars courir ». Cela me fait rire. Je continue gaiement dedans.

Km 26. Je vis mon seul passage à vide de la course. Il ne va pas durer longtemps. Je pense que c’est un peu obligatoire de passer par là lors d’une course. On ne peut pas être frais tout le long. Ce n’est pas possible. J’ai cette sensation de perte totale d’énergie. D’avoir du mal à avancer normalement. Je dois me reprendre plusieurs fois pour relancer la cadence. Cela a du durer à peine 7 ou 8 minutes. Mais c’était intérieurement crevant. C’est ce genre de moment où clairement, le physique n’est plus là. Il n’y a que la tête et surtout l’obstination qui te permet d’avancer. Tes jambes veulent plus ? C’est pas grave. Tiens prend un peu de neurones.. Ca va passer.

C’est passé. Je me suis concentré sur ma foulée. Gros focus sur mes pas. Sur mes trajectoires. Je n’ai pas beaucoup levé la tête. Le regard est dans les 2 mètres devant moi. Pas plus loin. Pas plus haut. Et ce qui devait arriver, arriva.

Km 28. Plus de balisage devant moi. Je continue un peu à courir. Peut être qu’il y en a un peu plus loin. Au bout de 200 ou 300 mètres je m’arrête. Je regarde autour de moi. La neige commence à bien tenir. Bon courage pour trouver un balisage blanc là dedans. Je repars en arrière. Je vois un coureur tout au bout de la longue ligne droite. Je vais courir dans son sens. Le chemin a du bifurquer sur un petit sentier sur le côté sans que je m’en rende compte. Je baisse les yeux pour regarder le sol. En relevant la tête. Je ne le vois plus. C’est sur. Le chemin doit tourner. Je continue à remonter. Aaaaaah. ok. Un balisage planqué derrière un arbre. Tu m’étonnes que je l’ai pas vu. C’est pas grave. Cela m’a permis de reprendre totalement mes esprits. La monotonie commençait à s’installer. Cela m’a presque fait du bien je pense. Je regarde ma montre pour la première et dernière fois. Km 28.7. 02h10 min. Cela me fait un repère pour mon récit, me dis-je.

A partir de là. C’est le néant au niveau des souvenirs sur plus de 15 km. Pas un souvenir de cette section. C’est comme effacé en moi. J’ai simplement le souvenir que la neige était de plus en plus présente. Aussi bien dans les airs que sur les côtés des sentiers. Cela devient tout blanc. Impossible de voir les balisages dans ces conditions. Le plus souvent, je suis simplement les traces de passages devant moi. Si la boue est retournée, c’est que c’est par là. Cela fonctionne. Tant mieux.

J’ai une musique dans la tête (comme sur chaque course en fait). Mais cette fois-ci elle est juste beaucoup trop cool. Il s’agit de la musique de la pub pour l’Iphone X. Un vrai délice de bonne humeur. (All Night – Big Boi)..

If it’s aaaaaaaaall right !

I wanna kick it with you aaaaaall niiiiiiight, aaaall niiiight !

Have a goooooooooood time…

Ain’t gotta worry ’cause it’s aaaaaaaall riiiight, it’s aaaall riiiiight

All niiiiiight, and all night, and all night, baaaaaaby

Don’t be shyyyyyyyy, don’t be shy, don’t be shy, baaaaaaby

Rah làlà. C’est quand même mieux que Damso sur la CCC ou Maurane sur la SaintéLyon !

Ah. Un souvenir revient. Km 42. Je suis complètement dans ma routine de course. J’avance sans trop réfléchir. Je n’ai croisé personne depuis des kilomètres. Ne pas voir d’autres coureurs m’a un peu lassé sans le vouloir. Je suis happé par ma propre foulée. C’est très répétitif. Je suis en mode pilotage automatique. Tout à coup. POOOOOOOOOOOOOCK ! Aiiiie ! Je viens de faire un tête VS tronc d’arbre un peu trop bas. Ca pique un peu. Cela ne fait pas si mal que cela. Mais ça réveille. Tant mieux. J’en avais besoin. Je reviens un peu à mes esprits. Le prochain ravitaillement est proche. Je vais accélérer pour le rejoindre.

En sortant du bois de Clamart, je repère vite ce que j’appelle « Le château » qui est en fait le Lycée Professionnelle Privé Saint-Philippe. J’aime bien ce ravitaillement. Déjà, par ce que les bénévoles sont des jeunes beaucoup trop chauds et beaucoup trop cools. Mais aussi par ce que pour arriver au ravitaillement, il faut rentrer dans le parc, traverser un joli petit jardin. Monter quelques marches et terminer en courant sur le parvis. Je connais par coeur ce passage. Je m’y donne à coeur joie. Je double d’ailleurs un coureur entre l’entrée et les escaliers. Cela me motive grave.

 

 

RAVITO 2 : CHATEAU SAINT PHILIPPE – MEUDON (Km 46) 

Temps : 03h41min39sec

Classement : 24ème

Je suis content. Ce sont les mêmes jeunes qui s’occupent du ravitaillement. Ils sont tellement chauds c’est trop drôle. L’assistance est géniale. Je leur tends mes deux flasques. L’une après l’autre. Je bois cul sec la moitié d’une flasque.

Même si j’ai bien bu sur le dernier segment, je sais que je suis un peu déshydraté. Je le sais car, en pissant un peu avant, j’ai tout simplement vu que le liquide n’était pas clair. Jaune.. voir très jaune foncé. Ce n’est pas bon signe généralement.

J’encourage les bénévoles : « Bon courage, les gars ! » – « J’espère que vous n’avez pas trop froid ». « Bravo pour ce que vous faites ». Et puis je repars. Bien applaudi. Un passage éclair mais un passage qui fait du bien.

Descente en bitume. Puis il y a cette petite montée pour rechoper le sentier en passant par la petite porte. Je ne cours pas. Je prends le temps d’avaler un gel, de remettre ma veste et de grignoter une petite pâte de fruit. Cela va toujours plutôt pas mal. Je n’ai pas du tout l’impression d’avoir couru un peu plus qu’un marathon. C’est passé presque tout seul. Je pense que les longs moments d’errance ça et là, m’ont protégé de la fatigue mentale inhérente à ce type de distance. De plus, je pense que le terrain boueux m’a permis de ralentir ma cadence de course. Je crois réellement, que j’ai bien réussi à concevoir m’a course entièrement du fait que la boue m’est ralenti. Ne pas faire surchauffer la machine. Ne pas monter dans les tours. Merci la gadoue !

Km 46. Traversée d’une petite section bitume dans Meudon avant de monter sur l’observatoire. Heureusement que je me rappelle du parcours, car clairement, le balisage est invisible à cet endroit. J’envoie dans la descente et je m’économise un peu dans la remontée. Je sais que le parcours dans l’observatoire n’est pas forcément facile à gérer. Je veux arriver frais dedans. A la fin de la remontée, je repère un coureur dans un abribus. Il s’est enroulé dans sa couverture de survie. Il semble complètement frigorifié ! Il a du envoyer tout ce qu’il pouvait et à du lâcher prise après le ravitaillement. Je ne pense pas qu’il reparte vu sa position PLSienne.

Traversée de la route. Petit coucou aux bénévoles (ils doivent tellement se peler aussi). Et tout droit en direction de la montée vers le Parc de l’observatoire. J’ai du mal à franchir la montée en pavé en courant. Ce n’est pas la fatigue. Ce n’est pas le cardio. C’est juste que les pavés sont cassants par rapport au matelas de boue que je traverse depuis des kilomètres. Une supportrice toute seule, planquée sous un porche m’encourage. C’est super sympa. Je relance dans la fin de montée.

Virage à gauche. On traverse le jardin, ambiance jardin royal. Le sol est maintenant totalement recouvert de neige. Les quelques sapins parfaitement coupés en pointe sont parfaitement à leur place au milieu de ce joli jardin blanc. Je ne passe pas par les allées en gravillon. Je coupe par la pelouse. En y regardant bien, je comprends que je dois être bien classé. Les traces de pas sur le gazon enneigé sont très rares. L’âme du trappeur qui sommeille en moi s’éveille. Les traces sont relativement fraiches. Ils ne sont pas loin. Bon… c’est sûr.. je ne vais pas les rattraper. Mais j’ai la douce sensation de courir en tête. C’est agréable. Et puis quand il y a personne avec qui discuter.. les traces de pas dans la neige, ça permet au moins de se dire que l’on est pas si seul.

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Crédit Photo : Mickael Lefevre pour WonderTrail

 

Km 48. C’est la double ligne droite sur le jardin du parc de l’observatoire qui surplombe totalement le secteur. Normalement, on peut voir la tour Eiffel d’ici. Pas cette année. La neige qui tombe fort empêche tout regard sur la dame de fer. Ce n’est pas grave. Elle est là. Pas très loin. Je le sais.

J’avance plutôt bien dans le parc. Je rattrape même un coureur qui semble caler sur ce passage. Je sais que je lui dis quelque chose, mais je ne sais plus quoi. Cela ne devait pas être du Baudelaire.

En sortant du parc, nous repassons dans une zone ultra boueuse. Un espèce de chemin de tracteur bien détrempé. J’abandonne rapidement l’option de courir sur le bord en me frottant aux ronces qui dépassent. Je cours dedans. En plein dans la gadoue. Cela ne me fait plus rien. C’est presque devenu normal. Je me rends compte plusieurs fois que je commence à perdre de ma lucidité. Je m’en rends compte car je me surprends à me dire : « Ehhhhh Oh ! Regarde devant toi. Tu fais n’importe quoi là. Il y a une trajectoire dégagée de boue sur le côté et toi tu cours bêtement au milieu des flaques ». Je me reprends plusieurs fois à ce petit jeu. Je décide de reprendre un gel pour revenir à moi.

Peu de souvenirs encore des kilomètres qui passent. Juste un. J’ai du rattraper un ou deux coureurs. J’arrive à la fin d’un chemin qui donne sur trois allées qui partent en étoile. La neige recouvre tout maintenant. Impossible de repérer le balisage blanc. Quel chemin prendre ? Aucune idée. Je m’arrête. Je suis rejoint par les deux coureurs. Comme moi, ils regardent sur les côtés et en arrière pour repérer un marquage. Je décide de passer à l’option « Appel à un inconnu ». Je siffle fort une fois avec mes doigts et je crie « C’est par où ? ». Une voix féminine répond au loin « Par là ». Je n’arrive pas à distinguer la femme qui m’a répondu. Elle doit s’en rendre compte car elle crie à nouveau « Iciiiiii » en agitant les bras. Elle est là. C’est reparti. Merci madame :D.

 

NEIGE QUI COMMENCE A TENIR

NEIGE QUI TIENT

Sorry pour les crédits photo

J’ai recup’ sur Insta’. Je retrouve les auteurs sous peu ^^

Un peu avant le ravitaillement, deux bons kilomètres avant, j’ai le souvenir d’une descente un peu technique, dans la boue avec un beau virage relevé sur la gauche. Je suis depuis 300 mètres un coureur en orange. Il est 7 bons mètres devant moi. Il envoie du pâté impérial. Je suis rentré dans son rythme. C’est à dire un peu plus élevé que le mien. Je n’aurai pas du. J’arrive trop vite dans le virage. Je prends appuis avec mon pied droit dans le dévert. Et zliiiiiiiiiiiiiiiiiip. Par terre. Enfoncé dans la boue de tout mon corps. Première question qui me vient à mon esprit : « Me suis-je fait mal ? ». A priori, les jambes ça va. Je retire mon bras qui est rentré jusqu’au biceps dans la glaise. Ce n’est pas super agréable. Mais tant pis. Le coureur devant moi, me demande si ça va. Je lui réponds « Pas de problème.. » C’est reparti. Cela sera ma seule chute de tout le parcours. Je suis plutôt content. Les centaines de mètres qui suivent me permettent de voir que je ne me suis pas fait mal aux jambes. J’ai simplement une petite douleur au niveau du coude droit. Mais rien de méchant. Cela va passer.

Je ne suis toujours pas fatigué. C’est cool. J’ai semé le coureur avec qui j’étais depuis un ou deux kilomètres. Je me souviens que pour atteindre le ravitaillement de Chaville, il y a une belle ligne droite en montée. Je me prépare à la courir à fond.

Virage à droite. La voici. Comme prévu je cours à fond dedans. Au loin, j’arrive à voir un coureur que j’ai en ligne de mire depuis 20 km (dès que la route est assez droite pour voir loin devant). Il est en blanc et rouge. C’est assez facile à repérer. Nous avons globalement avancé sur le même rythme depuis le départ. Il double un coureur qui semble en difficulté. Un coureur plutôt grand. Vêtu tout en noir. Je me fixe comme objectif de le doubler aussi avant d’arriver au ravitaillement. Il marche. C’est plutôt facile pour moi de le rattraper. Je n’aime pas tellement doubler à fond quelqu’un qui semble dans le soucis. J’ai l’impression que cela ne va pas l’aider. Mais je me suis promis de courir toute la montée. Je fais abstraction de mes sentiments et je continue à fond jusqu’en haut.

Arrivé au ravitaillement sous les applaudissements. Cela fait du bien.

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Crédit Photo : Mickael Lefevre pour WonderTrail

 

RAVITO 3 : CHAVILLE – PARC MARE ADAM (Km 57.7)

Temps : 04h43min51sec

Classement : 19ème

Je n’ai aucun idée de mon classement. Je ne me suis pas fait doubler depuis le début de la course en courant.. ou du moins presque pas. Seulement quelques coureurs m’ont repris lorsque je me suis arrêté pisser. Mais globalement, j’ai l’impression d’avoir doublé quelques coureurs, mais pas non plus des dizaines.

Un bénévole vient vers moi. « Tu veux de l’aide ? » – « Non, merci. Je prends juste un peu d’eau et je repars ». Je remplis mes deux flasques. Je bois rapidement dans l’une d’entre elle. Je passe faire un coucou aux bénévoles. Ah. Tiens. Du sauciflard. Trois petits bouts. Je les avale. Un quartier d’orange et on y va.

En avançant, je vois une femme parler à son mari. C’est un coureur très grand. Plutôt ultra-affuté. J’ai le souvenir qu’elle lui dit « Continue. Sinon tu vas être déçu demain. ». Il n’a pas l’air d’avoir envie. Enfin, c’est plutôt qu’il semble complètement à l’ouest. A fond dans son truc. Déconnecté du moment, du lieu, de la réalité. C’est assez troublant comme vision.

De mon côté, je suis encore frais. L’arrêt au ravitaillement me fait énormément de bien. Juste avant de ressortir, je repère quelques supporters qui attendent sous leur parapluie recouvert de neige. Je leur fais une petite blagounette du style « Bon courage hein.. Je sais que c’est difficile.. mais vous pouvez le faire ! Tenez bon ! ». Ma blagounette fonctionne.

Je jette mes déchets transportés jusqu’à là. Le coureur blanc et rouge (Guillaume je crois) s’approche lui aussi de la poubelle. On parle un peu tous les deux. Il semble aussi très très frais. Cela fait du bien de discuter.

On repart ensemble en discutant. Une bénévole nous indique alors « Attention.. cela glisse à la sortie du ravitaillement.. ». LOL. T’inquiète. Cela glisse partout depuis 50 bornes. On est habitué. Je le pense. Mais je ne le dis pas.

Nous longeons le cimetière. On discute comme si c’était la petite sortie du dimanche. C’est vraiment super sympa. Aucune concurrence entre nous. Aucune sensation de concours de bite. Juste deux mecs qui parle en courant. Il m’explique que le mec que l’on a vu dans le soucis au ravitaillement est un de ceux de la tête de course. Cela m’impressionne, mais je ne me rends pas tellement compte.

Au cours de la discussion, nous évoquons : Le fait que l’on se soit suivi pas mal de temps. Que l’on a rattrapé pas mal de coureurs sur les 15 derniers km. Que quelqu’uns vont encore surement craqués devant. Il me demande : « C’est la première fois que tu le fais ? ». Moi – « Non. La troisième. J’ai mis 7 h 44 l’an dernier ». Lui – « Ah bah.. t’es parti pour faire beaucoup mieux cette année ». Moi – « Ah oui ? Tu penses. J’ai pas regardé ma montre pour l’instant ». Lui – » Bah, dis toi que l’an dernier, je l’ai terminé en 07h04 en ayant des crampes sur 30 bornes ». (A ce moment très précis.. je me suis dit que j’étais en train de courir avec un warrior). Nous continuons à discuter un peu. Nous restons pendant 5 minutes ensemble. J’ai l’impression que ça a duré 20 minutes. C’est assez facile d’avancer à deux en fait.

Km 58.5. En bas d’une longue descente, je repère des bénévoles. Nous traversons la D181. A partir de là, je connais plutôt très bien le parcours. Nous arrivons plutôt vite. Les bénévoles ne nous ont pas repéré. Lorsqu’ils s’en rendent compte, c’est un peu tard, nous sommes lancés dans la descente et l’inertie nous pousse à continuer. Je regarde loin à gauche, une voiture avance, mais elle m’a repéré. A droite, c’est la même chose. J’estime que je peux y aller en sécurité. Le bénévole m’engueule un peu. Je comprends tout à fait. J’aurais peut être du m’arrêter. Ne serait-ce que par respect pour le bénévole. Mais, bon, en tant que tout bon parisien qui se respecte, la gestion des traversées de rues cela me connait. Guillaume (j’espère qu’il s’appelle comme cela) qui m’accompagne a freiné lui. Il a traversé calmement, et m’a déjà rattrapé. Comme quoi.. j’avais pas besoin de faire mon parisien.

Il me dit : « Tu devrais faire attention. L’organisation peut te disqualifier pour cela ». Sa phrase me fait un peu peur. Mais, je n’ai pas l’impression non plus de mettre mis en danger une seule seconde. Je croise les doigts. Pourvu que les bénévoles n’ait pas pris mon passage pour de l’arrogance. J’étais juste un peu lancé… on verra bien. Ca serait cruel je trouve.

Je le sais. Cela va remonter maintenant. J’annonce à Guillaume, que je vais ralentir un peu. Je ne veux pas me cramer dans la montée. Il reste encore 20 km et je veux en garder pour les 12 derniers sur bitume.

Je prends un gel. Guillaume s’éloigne. Je gravis la montée en terre rouge très calmement. En regardant loin derrière je ne vois personne. J’ai le temps. Je m’arrête pisser. Le liquide est totalement transparent. Félicitations. Tu as bien bu. Tu es bien hydraté. (On se félicite de tout et de rien dans ces moments là).

On relance. Objectif : rejoindre le ravito de Saint Cloud le plus rapidement possible, sans trop forcer non plus. Je vais avancer jusqu’au cimetière, gérer la traversée de Marne-La-Coquette et attaquer le parc de Saint Cloud.. seul. Et je resterai complètement seul jusqu’à la fin de la course.

Km 60. Traversée de Chaville. Une belle descente tout en bitume. J’adore ça maintenant. Il y a quelques temps j’aurai souffert des vibrations remontant dans les cuisses. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Je me penche en avant pour prendre de la vitesse. Cela déroule à fond. En bas, une route à traverser. Je fais bien attention à écouter les bénévoles. Petit signe de leur part. Je peux y aller. Ils m’indiquent « A droite, tu prends l’escalier ». Huuuuum. Un escalier. Souvenir d’UTMM… Cette sensation, je connais. Pas de problème.

Remontée avalée. Je rejoins la forêt domaniale de Fausses Reposes. Je connais par coeur chaque sentier à partir de là. Suffit de suivre le balisage et ça va rouler jusqu’aux lacs en contre-bas.

Km 61. Passage par les lacs. Avec la neige c’est bien cool. Je vois loin devant et loin derrière à ce moment là. Personne à l’horizon. Je continue. C’est pas le moment de craquer. Ne reste plus que 20 kilomètres. Je connais parfaitement cette distance. Ca va le faire. Je suis encore assez frais.

Un peu après le deuxième lac. Je prends à droite. Comme à l’entrainement. J’avance en direction de la rue. Pas de balisage. J’ai un doute. Je retourne en arrière. Ce n’est pas logique. Si c’était là qu’on doit traverser la route, il y aurait un bénévole. Je continue sur la longue ligne droite en espérant trouver un balisage. C’est le cas, 300 m plus loin. (Paie tes long moments d’incertitude).

Je regarde de plus en plus régulièrement derrière moi. Cela ne sert vraiment à rien. Mais cela doit me rassurer je pense. En fait, en réalité, je pense que j’aimerai bien voir quelqu’un derrière. Cela me motiverait à avancer à fond sans m’arrêter. Mais personne ne vient.

Km 64. Petit monotrace légèrement en pente qui longe le cimetière de Marne-La-Coquette. A partir de là, je peux y aller les yeux fermés. J’apprécie ce petit passage. Surtout en sachant que juste derrière cela redescend droit dans la ville.

Passage devant la maison de Johnny. Je suis obligé de me fredonner une petite chanson dans la tête. Cela sera : Iiiiiiiiiiiiiiiil Suffiiiiiiiiiiira d’une étincelle.. Oui..d’un rien ! Oui.. D’un geste ! Raaaaah lala. Du Johnny dans la tête en courant, il n’y a pas grand chose de mieux.

Je déboule au niveau de la place centrale de la ville. Depuis l’an dernier, je le sais, il faut prendre à gauche pour rentrer dans le parc. J’anticipe mon virage. Je ne me trompe pas. J’entre dans le parc. Je m’oblige à courir à fond jusqu’à ce que cela remonte un peu plus loin. Je commence déjà à penser au ravitaillement et à la suite. En longeant une prairie habituellement réservée pour les chevaux, je me demande s’ils sont bien au chaud. Le manteau blanc qui recouvre toute la prairie donne un petit côté « campagne » à cette fin de parcours.

Le bénévole qui doit sécuriser la traversée de la route m’a repéré. Il arrête une voiture qui vient pile poil à ce moment là. Parfaite anticipation monsieur. Je le remercie et lui souhaite bon courage. Quelques dizaines de mètres plus loin. J’entends le bruit de la portière de sa voiture. Tu m’étonnes. Mets toi au chaud bonhomme. La soirée va être longue pour toi.

Le terrain dans le parc de Saint Cloud est toujours assez difficile. Ce n’est pas  aussi compliqué, niveau boue, qu’auparavant, mais c’est pas non plus le parcours de santé.

Petite remontée. Je passe à côté du banc sur lequel j’avais été obligé de m’arrêter il y a quelques semaines à cause d’une sortie mal négocié (à jeun). Je me rappelle qu’il ne dispose plus que d’une seule planche. Je ne m’apitoie pas sur son sort. Je continue à avancer à fond.

ETAT NEIGE MEUDON

Sorry pour les crédits photo

J’ai recup’ sur Insta’. Je retrouve les auteurs sous peu ^^

Je profite pas mal de ce segment. La navigation est plutôt cool dans le parc. Les organisateurs auraient pu rendre la fin plus difficile, mais ils nous font passer par des chemins assez larges. C’est presque dommage.

Km 66.  Virage à droite. Je reprends une grande allée royale du parc. Ca remonte un peu. On passe par dessus un petit pont qui traverse la Route Paris-Versailles. J’ai vu un balisage sur un coin de la barrière du pont. Tout est totalement blanc autour de moi.

Une fois le pont traversé. Plus de traces de balisage. Je me dis que s’il n’y a pas de balisage c’est par ce que c’est tout droit et que l’on ira à gauche un peu plus loin. Impossible de repérer des traces de passages devant moi. L’allée centrale est en bitume et le sentier qui longe à gauche est en terre. Je ne vois toujours pas de balisage. Pas de traces de pas non plus. Je continue comme cela jusqu’à un grand rond point. Personne. Il n’y a personne. Je m’arrête. J’hésite. Dans ma tête je sais que le ravitaillement est un peu sur la gauche. Mais je sais aussi qu’on arrive au ravitaillement par une grande montée qui part de plus bas. Je regarde dans le champ s’il y a des traces de passages dans la neige. Rien du tout. Je décide alors de retourner en arrière. Je redescends jusqu’au pont. Je regarde bien à droite et à gauche. Il y a un petit sentier qui part dans la direction du ravitaillement. J’hésite à le prendre. Si c’était là qu’il fallait tourner, cela serait indiquer. Il y aurait au moins un ou deux balisages. Là. Rien. Je demande à des passants s’ils ont vu des gens courir. Ils n’ont vu personne. Je commence à m’énerver moi même. Ca recommence. Je me suis encore perdu. Je repars en direction du rond point. Arrivé à celui-ci je siffle fort. Plusieurs fois. Pas de réponses.

Fini les hésitations. Je perds trop de temps. Je décide de partir par une grande allée en direction du fond du parc. Je me dis que je devrai forcément croisé un balisage avant d’arriver au niveau des fontaines. Je suis enragé à ce moment là. Je me dis que je vais être disqualifié. Puis rapidement, en fait, au final, je pense que je me suis rallongé le chemin, donc j’aurai une excuse. Plus bas, je retrouve un balisage. Hiiiiiiiiha. Je continue à descendre jusqu’en bas de la pente. Je la reconnais. Il y a les barrières du parc en bas. Et une voiture de l’organisation. C’est top.

Virage à droite. Face à moi, la fameuse allée de la balustrade à grimper. C’est parti. Je l’attaque en courant. A la mi-hauteur je m’arrête pour une dernière pause technique. Petit pipi. Je prends le temps de regarder en bas. Personne n’arrive. Je me relance dans la montée. La fin est plus cool. Je termine à bloc.

 

 

RAVITO 4 : DOMAINE NATIONAL DE SAINT CLOUD (Km 69.3)

Temps : 05h51min02sec

Classement : 15ème

J’arrive dans le ravitaillement en solitaire. Le ravitaillement est vide. Aucun coureur à l’horizon. Guillaume a du speeder comme un malade. Les bénévoles sont tous au chaud. Le sol est une sorte de diarrhée de boue immonde (bon appétit). Normalement, c’est de la pelouse bien verte à cet endroit. Je suis applaudis. C’est sympa. Puis c’est le silence. Je m’approche des bonbonnes d’eau.

Un bénévole se rapproche de moi. C’est un podologue qui m’avait averti qu’il serait là. Je parle un peu avec lui. Il me dit que personne ne s’arrête pour se faire vérifier les pieds. Tu m’étonnes. Personne n’a envie d’enlever ses chaussures pour les remettre ensuite. Je remplis mes flasques. Les bénévoles sont silencieux. Je lance un gros : « Est-ce que çaaaaaaaa va Saint Clouuuuuuuuud ? ». Ils me répondent en coeur : « OUAIIIIIIIIIS ! ». Cela me fait rire. Je dis au podologue qu’il y a un problème de balisage un peu avant. Il me dit qu’ils sont au courant. Pas mal de coureurs sont apparemment arrivés par tous les côtés au pointage. Ils sont en train de régler le problème. Cela me rassure. Je me dis que si tout le monde s’est planté, on ne risque pas de disqualification. Je tape dans la main de mon supporter, en lui demandant mon classement. Apparemment, entre 15 et 20. Je lui dis.. « Top 20.. Faut que je speed alors.. Bon courage.. Hiiiiiiiha ». C’est reparti. Même pas besoin de sortir la Petzl, il fait encore totalement jour.

Je récupère un gel Coup de fouet en commençant la descente. Il m’en reste encore un. Je le prendrai sur les quais pour tenir sur le plat. Je descends rapidement la balustrade. Cette descente me plait énormément. Une pente assez légère qui permet de prendre de la vitesse sans être complètement emporté. Maintenant, je me dis que c’est le finish. Je suis plus frais que les autres années. Ca devrait passer sans s’arrêter.

Deux virages en épingle. Je les prends à la corde. Ca passe tout seul. Tournant à droite. Il faut remonter sur 200 mètres avant d’attaquer une descente sèche en direction de la sortie du parc. Je ne lache rien. Je me dis qu’étant donné que personne n’est arrivé au ravitaillement avant mon départ, cela veut dire que j’ai au moins 2 minutes d’avance sur un poursuivant. Ne craque pas. Continue à courir. La descente un peu plus technique passe toute seule.

Fin de la descente. S’en est fini de la boue. Je suis totalement concentré dans ce que je fais. Tout en bas. Avant la sortie du parc, quelqu’un semble m’attendre. Je ne le reconnais pas tout de suite. Je suis trop concentré. Il me félicite. Il court à côté de moi. « Tu vois qui je suis ? ». Je relève les yeux et le regarde une première fois. Je ne tilte pas tout de suite. Il me dit « C’est énorme ce que tu fais. T’es un champion. Tu dois plus être très lucide ! ». Il n’a pas tord. Je ne suis plus lucide du tout extérieurement. Je m’en rends compte. Mais impossible pour moi de m’exprimer clairement. Je l’ai bien reconnu pourtant. C’est un ancien collégue du boulot. On bavarde un peu. Il avance avec moi jusqu’au parking. On discute vite fait. Je pense que je n’arrive pas à prononcer la moindre phrase cohérente. Il a du un peu halluciner. Il me lache au niveau de la montée vers le petit pont. Je ne lache rien. Je continue à courir à fond.

Aucun bénévole. Heureusement, je connais cet endroit sur le bout des doigts. Virage à gauche. Escalier pour descendre sur les quais. Et c’est reparti. Je cours. Tout simplement. Il n’y a plus que cela a faire. Je me prépare à affronter la dernière montée finale dans Meudon et la redescende sur Issy-Les-Moulineaux. Elle est assez sèche. Mais je veux absolument la passer en courant.

Km 72. Arrivé au niveau de la montée. Je m’approche de la route pour traverser. Pas de bénévoles. Pas de balisage. Je m’arrête au niveau du passage clouté. Je regarde en direction de la montée. Je ne vois aucun balisage. Ni aucun tag ETP en orange au sol. Est-ce qu’on ne la fait plus ? J’ai tellement envie de la faire. J’en ai gardé sous le pied pour cela. Je me retourne, je regarde au loin sur les quais. Il y a d’autres balisages un peu plus loin. Bon. Bah. On va faire sans la montée cette année. C’est dommage. J’adorais la descente derrière.

Je ne réfléchis plus. Juste j’avance. Cette difficulté en moins pour finir, cela veut dire plus de plat. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. Je décide de courir jusqu’au pont que l’on traverse pour rejoindre l’île Saint Germain. Cela déroule facilement. Je suis en mode automatique. Ca avance en 4:45 min du kilomètre. Ce n’est pas énorme, mais c’est pas mal. Je pensais que mes chaussures allaient me faire souffrir à ce moment là. Mais pas du tout. Elles sont toujours confortable. La boue sur moi commence à tomber. C’est dommage, je voulais arriver bien crado pour les photos. Tant Pis.

Km 73. Pont traversé. Petite succession de marches pour redescendre sur le quai, et zigzag pour remonter vers le parc. Ca se passe bien. Je ne suis pas en souffrance. Je décide de continuer à courir jusqu’au parc André Citroen.

La traversée de l’île se passe très bien. Je ne suis pas fatigué. Je sais qu’il me reste un dernier gel coup de fouet. Je le garde encore au chaud.

Je commence à rattraper des coureurs du 50 km. Un peu difficile d’imaginer qu’en ayant fait 30 km de plus, on puisse récupérer des coureurs. Doubler me fait du bien. Et puis c’est pas comme si cela m’était arrivé souvent aujourd’hui. Je sais à quel point cela doit être difficile pour eux de se faire doubler par quelqu’un qui va trois fois plus vite alors qu’il a fait une plus longue distance. Je prends soin de bien les encourager. Cela me fait oublier le moment qui devient de plus en plus difficile.

Sortie du parc. Virage à droite. Je décide d’avaler mon dernier petit gel coup de fouet. Du Suuuuuuuuuuuuuuucre 😀 Que c’est bon. Ne serait-ce que psychologiquement. Les bénévoles m’ont repéré. Ils me font signe que je peux traverser. C’est top. Je voulais pas m’arrêter à cet endroit.

J’attaque le passage le moins joli / le plus moche de tout le parcours. Pour résumer, c’est la voie rapide sur la droite.. sur la gauche la Seine est cachée par une cimenterie, et on court sur un trottoir défoncé, jonché de déchets nombreux. Quelque sacs poubelles sont en vrac. C’est dommage cette année encore. Je pense que clairement, l’organisation pourrait anticiper juste pour cleaner ces 300 mètres. Quitte à faire un peu de cache misère. J’ai une petite pensée pour le dessin de Des bosses et des bulles. C’est tout à fait cela. Encore une fois, Matthieu Forichon vise juste.

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Crédit : Dessin – Matthieu Forichon – Des Bosses et des Bulles. 

Km 75. Ca continue sur cette longue phase de bitume. Je continue à doubler quelques coureurs du 50 km. Je n’ai plus la force de les encourager. Je ne pense plus qu’à une chose : Finir. Le plus rapidement possible. Sans exploser. De temps en temps, une voiture klaxonne. Ca fait du bien. Je continue.

Ca rebascule sur les quais. On ne va plus tout droit cette année. Il faut prendre un virage à droite pour passer dans le Parc André Citroen. Juste à l’entrée, une bénévole m’arrête. Je me demande ce qu’elle me veut. Peut être un contrôle des affaires obligatoires. Je m’arrête avec le sourire de circonstance (crispé). Elle me demande : « Vous êtes sur le 80 ou le 50 ? » Dans ma tête je me dis : « Franchement.. A ton avis..T’abuse pas un peu là ? C’est pas comme si j’avais un dossard Rouge et que je semble un minimum sportif.. » – Dans ma bouche : « Sur le 80 ! ». Elle parle au talki-walki – « Le dossard 560 c’est un 80… Tu m’entends ? Le dossard 560 c’est un 80. » Je suis complétement arrêté. J’ai l’impression que cela dure des minutes (en réalité cela a du durer 20 secondes). Ca me soule un peu. Je demande « Je peux y aller ? ». Je n’attends pas sa réponse. Je repars. Elle me fait signe d’y aller. Comme si c’était une évidence. Je ne suis (comme beaucoup je pense) plus du tout lucide, et ne pas avoir en face de soit quelqu’un de très directif c’est un peu troublant dans ce genre de moment. Bref. Courage à elle pour les heures à venir ! Je la remercie en filant.

On ne traverse pas réellement le parc. On ne fait que longer les quais par le haut. j’en ressort. Maintenant, je longe la voie de RER. Au loin, des piétons passent. Comme si de rien n’était. Les deux bénévoles, certainement un peu lassés ne m’indiquent pas clairement le chemin. Je dois leur paraitre abruti. J’ai besoin qu’on me fasse des grands signes. J’ai besoin que cela soit visible, criant, presque clignotant. Mon esprit ne discerne plus les signaux faibles. J’enchaine. Virage à gauche. Descente sur les quais. J’envoie.

Km 76. Un supporter qui semble me connaitre me dit : « Aller Casquette Verte.. C’est énorme.. Top 15 Champion ». J’ai un peu du mal à y croire. Top 15. Il doit se tromper. Il a du mal compter. C’est pas possible. Maintenant je ne m’arrête plus. Si c’est vrai c’est juste trop beau. Je n’ai plus le droit de craquer.

Les quais passent vite. Encore un pont et il faudra passer sur l’île des Cygnes. J’y suis presque. Virage à 180° sur la droite. Cela remonte jusqu’au pont. J’enquille. Me voilà sur le pont. Pas de traces de coureurs à ma gauche sur les quais. Logiquement, on ne peut plus me rattraper. Tournant à droite. Redescende sur l’île. Je double quelques coureurs. La tour Eiffel est vraiment proche maintenant. Je la discerne entre les arbres.

Ma foulée est rapide. Je saute d’un carreau à un autre sans trop de problème. Quelques flaques me font changer de trajectoire. 100 mètres plus loin, des touristes bloquent le passage, je crie « Pardooooooon. Coureur. ». Ils s’écartent. Je leur fais un petit signe de la main pour les remercier. Je vois l’escalier. J’arrive à son niveau. Je le grimpe. Main sur les cuisses. Elles sont fermes, mais ne sont pas douloureuses. C’est dingue. J’ai encore la pèche pour continuer.

Km 78. Me voilà sur le pont de Bir-Hakeim. Pas le temps de contempler. C’est presque fini. Je le traverse aussi vite que le métro y passe. (Bon.. peut être pas quand même). Les bénévoles au loin ne me regarde pas. Je siffle avec mes doigts pour attirer leur attention. Je leur fais signe que je vais traverser. Ils ne semblent pas me contredire. J’y vais. En passant à leur niveau, ils tentent de me dire que c’est en direction des quais. Je ne les écoute plus. Je connais.

Descente sur les quais. Un petit secteur pavé. Cela ne me dérange plus du tout. La musique de l’arche d’arrivée du 50 km s’entend de là. Cela donne beaucoup d’ambiance. Les quais sont complètement vides. Tout à coup, la tour se met à scintiller comme elle le fait à chaque heure fixe. Je me demande quelle heure il est.. 18 h ? 19 h ? 20 h ? Je n’ai aucune notion de mon temps. Je ne sais pas depuis combien d’heures je cours. C’est étrange. J’adore cela. C’est décidé maintenant, je ne regarderai plus jamais ma montre en course.

Je continue mon petit bonhomme de chemin sur les quais. Les émotions montent. Je suis au bord des larmes. C’est idiot. Je ne suis pourtant pas à bout. Je n’ai pourtant pas imaginé la fin de course depuis le début. Juste. Je le sais. C’est fini. Je vais bientôt m’arrêter. Virage derrière les petits stands et je remonte les escaliers. Pas de raison de marcher. Je les monte à fond. En haut, c’est la foule de touristes qui s’agite. Coup de bol, les bénévoles m’ont bien repéré. Ils font de la place pour que je passe. Je n’ai même pas besoin de m’arrêter pour traverser.

Virage à droite, il faut aller récupérer un petit bout de champ de Mars. J’y file. Les applaudissements sont là. C’est fantastique. Virage à gauche. Je le sais, c’est presque fini. J’avance très vite. Comme si la tour m’attirait. Une force de gravitation plus forte que les douleurs que je ne ressens pas. Un bon petit groupe m’applaudit. Je les applaudis en retour. Petit signe pour me diriger sur la gauche. Il faut viser le grand monsieur avec son parapluie.. j’en fait le tour. Je continue. Je suis au pied du pilier. Je défais ma veste que je range dans mon sac. Virage à droite. Je file sur la personne qui donne les tickets. C’est toujours assez drôle comme moment. Pourquoi prendre un ticket ? Sérieusement ? Si ce n’est que pour le symbole Marketing ?

Je rentre dans le pilier. Aller. Cette fois-ci tu ne lâches rien et tu montes en courant. Pas le droit de t’arrêter. J’enchaine bien les premières séries de marches. Je reconnais au loin Mickael. Le photographe de Wondertrail. On rigole ensemble.

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Crédit Photo : Mickael Lefevre pour WonderTrail

Arrivé à son niveau, je commence à faire la course avec lui. Il tente de me rattraper. Je sens qu’il galère bien comme il faut. Le pauvre. Il se tape son énorme boitier à soulever. Je l’attends un peu. Il repasse devant. Le temps de faire une ou deux photos. Assez drôle comme arrivée.

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Crédit Photo : Mickael Lefevre pour WonderTrail

J’y suis presque, je vois le plafond. C’est l’arrivée. Deux dernières séries de marches. J’en remets une petite couche pour terminer. Je vois le tapis rouge. Virage à gauche. L’horloge indique 06 h 54 min.. J’hallucine complètement. Moins de 7 h. J’ai un peu du mal à y croire. Je me lance.. et comme traditionnellement.. Un pas à droite.. un pas à gauche.. Petit saut. Appui sur les deux pieds.. ET BIM BAM BOUUUM.. Le 3-6 d’arrivée ! 

 

ARRIVEE : 1ER ETAGE TOUR EIFFEL (Km 80.3)

Temps : 06h54min09sec

Classement : 14ème au Scratch – 11ème Senior Homme

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Je suis étonnamment plutôt très en forme. On me dirait qu’il faut repartir pour 80 km. J’hésiterai 5 secondes.. et je dirai : C’est par où ?.. Cette bonne forme, qu’est ce que cela veut dire ? Je ne me suis pas assez donné ? J’en avais encore sous le pied. Avec un jour de recul, je le pense. Mais ça.. qui sait..

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Récupération de mon t-shirt Finisher. Encore un qui va bien se balader tout le printemps et cet été dans le bois de Vincennes. Il y avait le rouge. Il y avait le vert. Cette année, cela sera le bleu. Pourquoi pas.

Mon premier réflexe est de demander une grande bière. Dommage. La tireuse est cassée. Je respire un peu. Je parle avec les quelques personnes présentes. Cela fait du bien. Je n’ai pas assez partagé ces dernières heures.

Quelques minutes plus tard, je tente de m’infiltrer dans le salon privé post-arrivée. Le vigile à l’entrée m’arrête. « Vous avez votre badge ? » .. Je le regarde.. Il me regarde.. Il me dit : « Ici. Monsieur.. Seul les 1 – 2 et 3ème peuvent rentrer. » – Je le regarde.. Un peu émoussé. « Et ben.. à l’année prochaine.. j’aurai qu’à faire 40 minutes de moins. J’ouvre la porte et la claque derrière moi ». Réaction un peu épidermique, je vous l’accorde. Mais clairement, il y a des façons de dire les choses. Et là, on appelle cela un GROS manque de tact. Bref. Passons. C’est pas de sa faute.

Je redescends par l’ascenseur. Cette année, pas de touristes asiatiques. Je suis déçu. C’est tellement drôle de voir les touristes qui ne comprennent pas pourquoi il y a mec qui pue, recouvert de boue avec une médaille autour du cou qui descend de la tour Eiffel. A la place c’est ascenseurs privées avec Justine et sa soeur (Merci pour l’accueil à l’arrivée 😉 ).

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Je file chercher mes affaires. A priori, l’organisation est joueuse. Les cars sont 200 mètres plus loin que l’an dernier. Heureusement, je pète la forme. Je plains les mecs qui vont arriver dans quelques heures, transis de froid, les jambes complètement cassées. Ils vont pas kiffer le cache-cache final post-80 km.

Je récupère mon sac. Et hop.. directement au gymnase. C’est parti pour la grosse séance réseaux sociaux. J’allume mon téléphone. Cela sonne de partout. C’est incroyable. Va me falloir pas mal de temps pour répondre à tout le monde. Mais je me motive à le faire. Ma copine me rejoins. Je suis heureux. Nous allons passer le reste de la soirée ensemble. Je pense que j’ai un peu du la souler. J’étais sur mon petit nuage « TOP 14 », cela me fait trop rire. Pour moi, les gens qui terminaient dans les 50 premiers c’étaient mes héros il y a 2 ans. Un niveau impossible à atteindre. Ou sinon un niveau atteignable avec des années et des années d’entrainement. M’y voici. Je n’y croit toujours pas. Je ne veux pas être mon propre héros. D’autres le font si bien.

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Fin de la soirée. Je retourne au niveau de l’arrivée. Il est presque 01 h du matin. Je regarde les derniers concurrents finir leur course. Ils sont courageux. Cela a du être autrement plus compliqué. Passer autant de temps dehors, dans le froid. J’ai une grande marque de respect pour chacun d’entre eux. Je les félicite. J’ai eu mon collègue au téléphone 5 h plus tôt. Il n’avait pas encore atteint le deuxième ravitaillement. J’ai eu peur qu’il se fasse rattraper par la barrière horaire. Mais le voici. Casquette UTMB sur la tête. Trottinant sans trop de problème. Il a l’air frais (ce con ^^). C’est drôle. Il finit comme si de rien n’était. Je l’attends tranquillement. Nous avalerons une bière ensuite.

La tour Eiffel s’éteint dans un dernier scintillement. Avec elle, se ferme une magnifique journée pour moi. Seulement un peu moins de 7 h sur les chemins. C’est dingue. Je n’en reviens toujours pas. Et pourtant, je ne suis pas trop fatigué. Je ne regrette pas ma gestion de course, je l’ai trouvé plutôt bonne d’ailleurs. Bien sûr, j’identifie déjà quelques réglages à apporter, quelques minutes à grappiller. Mais pour une fois, je profite sans penser au futur. J’ai l’impression que cette fois j’ai le droit. J’ai enfin réussir à accomplir quelques chose de pas mal. C’est pas encore incroyable. Mais ça commence à ressembler à quelque chose. Je suis content. Va falloir continuer à bosser. Mais je vais pouvoir me coucher sans regret. J’ai l’impression que mon obstination commence à payer. Vivement la suite.

UN GRAND BRAVO A TOUS LES FINISHERS – A TOUS CEUX QUI ONT TENTE L’AVENTURE – ET SURTOUT UN IMMENSE MERCI A L’ORGANISATION (malgré les petits problèmes de balisages.. mouahahahaha) ET AUX BENEVOLES QUI ONT GARDE LE SOURIRE MALGRE LE FROID.. VOUS ETES AU TOP !!

Casquettement Verte ! 

 

 

 

 

 

 

 

20 réflexions sur “Récit EcoTrail 2018 (80 km – 1500 D+) – 14ème au général en 06h54min09sec (11ème Senior Homme).

  1. En un mot! BRAVO!!!!! Enorme perf! et quelle progression!!! ca y est maintenant c’est toi le héros de nous autres qui sommes derrière (loin derrière 10h38 pour moi) Récit parfait comme d’hab et qui m’a permis de me rappeler de certains segments qui me manquaient.
    Pour ton récit, je suis partant pour mettre les panneaux sur les arbres aussi (un ptit « bah dis donc il fait froid » serait pas mal 😉 )
    je partage ENTIEREMENT ton coup de gueule contre genoux dans le gif… lourdeur lourdeur LOURDEUUUUUUR (ou alors quand l’humour frôle l’intolérance et le manque total d’humilité qui me semble être normalement de mise dans cette discipline)
    Ah et juste AHAHAHAHA pour le panneau baignade interdite!!! j’ai fait la blague en passant « non merci pas envie pis j’ai pas ma serviette » mais flop complet….blague tombée à l’eau…poinpoinpoin (désolé je sors)
    Bon encore une fois IMMENSE BRAVO pour cette perf de fou! et aussi mais jusqu’où vas tu aller….Car tu as l’air telllement frais à l’arrivée et après coup.
    Continue comme ça en tout cas! run au top et récit au top 😉

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    1. Merci pour la lecture. Je pense réellement qu’il y a un truc a faire avec les panneaux sur les arbres. Mais il faudrait aussi en mettre quelques unes sur le parcours. Ca pourrait être drôle. Un peu chiant niveau logistique. Mais drôle 😀

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  2. Je confirme, ta bonne humeur pour nous attendre, les rescapés des barrières horaires
    Je t ai croisé en bas à 00h45 / toi avec une bonne bière, moi dans un cri de fierté  » hé casquette verte  » de voir un top 15 attendre les derniers
    Bravo champion !
    Mais qq heures derrière toi même St cloud s était transformé en marre de boue … On en a bien bavé mais bien rigolé aussi !

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    1. Ahah. J’adore regarder les coureurs arriver. Ca me donne le sourire. Et en plus quand c’est du mi-long comme cela, cela donne des scènes bien cocasse. Voir des corps bien massacré finir leur parcours.. au début de la nuit.. en bas d’une tour Eiffel géante.. Ca a de la gueule.. il y a rien a dire !

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  3. T’assures comme dab !! j’avais annoncé 6h50 je ne suis pas très loin …
    tu progresse course après course et tu deviens petit à petit une petite icone du Running français ! Bravo à toi tu bosse dure, tu es récompensé de tes efforts ! Arnaud @mister_bdy

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  4. Bravo ! Je découvre ton blog avec cet article j’ai l’impression d’avoir couru 80 km avec toi (ou presque) c’était génial !
    Ça motive à se lancer un jour dans ce type de distance. Encore bravo !

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  5. J’adore ton récit ! Vraiment bravo…genre 80km normal, sans forcer…putain j’ai fait un semi, sur plat, dimanche, j’étais à peine plus rapide que toi sur 80 !!! TU ME DEPRIME (mais sinon vraiment bravo, et belle plume)

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